Salle de l'Art culinaire

Walex leva timidement la main...
- C'est... pour conserver la recette exacte ? Pour la postérité, mais aussi pour que cela ne soit pas uniquement du savoir du cuisinier, des fois qu'il disparaisse ou se fasse renvoyer !

Paysan Nombre de messages : 74 Date d'inscription : 10/09/2006

Quand Dame Elaine avait posé sa question, plusieurs mains s'étaient levées. Les élèves semblaient ravis de pouvoir participer et montrer qu'ils n'avaient pas tout oublié pendant les vacances.

Walex donna sa répons à voix haute, tandis que derrière lui, on voyait les autres élèves opiner du chef, pour valider sa réponse.
Cependant, tous avaient les yeux rivés sur le professeur pour connaître son avis.

Dazibao mit peu de temps à donner une réponse. A ce genre de question il ne fallait jamais trop réflèchir :

Les recueils de recette ont été inventé pour que les erreurs deviennent des recettes.
Et puis ça devait permettre aussi de faire la même cuisine où qu'on soit et surtout quel que soit le cuisinier.

Elaine ouvrit de grands yeux à la réponse de Maître Dazibao mais garda le sourire.

"Vous avez tous les deux raison, Messires. Les recueils de cuisine avaient pour but de conserver le savoir-faire d'un maître-queue de renom.
Mais, je ne comprends pas très bien votre première réponse, Maître Dazibao. Qu'entendez-vous par "pour que les erreurs deviennent des recettes"?

Porte Parole Nombre de messages : 56 Date d'inscription : 10/06/2006

Les bêtises de cambrai? Une friandise sensée être au caramel recouverte d'une pâte de menthe (dont la couleur était similaire) qui fit sensation au point de devenir une recette dont le nom apporte du vent dans les ailes du moulin du nord de l'ambassadeur de Flandre....

Oups, désolé d'interrompre votre cours, je vous laisse ( en tant qu'ancien ambassadeur auvergnat en Flandre je n'ai pu m'empêcher d'apporter ma science infusée dans la bière )...le registre des mineurs m'attend, je m'en vais le mettre à jour.

Bonne continuation!

Elaine rougit décontenancée, puis se mit à rire pour cacher son embarras.

"Oups ! ... Grand merci, Messire Savarrin, pour votre intervention, votre grand savoir et surtout votre rapidité d'esprit. Je me montre une piètre professeur en jeux de mots.
Effectivement, une erreur, un hasard ou une étourderie est souvent le fruit d'une nouvelle invention dans quelque domaine que ce soit.

Passons à la deuxième question maintenant : pouvez-vous me citer le nom d'un ouvrage de cuisine qui a codifié les recettes d'un grand maître-queue du siècle dernier ?"

Paysan Nombre de messages : 74 Date d'inscription : 10/09/2006

Les élèves réfléchissaient. Cette question n'était pas simple.
Opale se dit qu'elle aurait du relire ses notes avant de venir. Elle baissa la tête et se concentra pour se remémorer ce qui avait été dit auparavant.

Elle se rappelait d'un maître queue dont le nom l'avait fait sourire.
Alors, timidement, elle se leva et tenta une réponse:

Heu...je crois que cet homme s'appelait Taille.... (ah oui, taille quoi déjà ? Taille court ? Taille Heure ? ) Ah oui...Taille vent ? C'est ça ?
et son livre....c'était , heu....(pas le légumier, pas le fruitier, arf... scratch

) heu...Oui...heu...le viandier ?

Elle se rassit, rouge comme une pivoine. Houlà, elle aurait sûrement mieux fait de se taire.

"Bravo, Dame Opale ! Il s'agit bien du célèbre recueil "le viander" écrit par le maître-queue Taillevent. Mais ne soyez pas aussi intimidée ! Je suis heureuse que vous ayez pu répondre.
Je vais maintenant vous accorder une petite pose à tous pour vous dégourdir les jambes.
A tout de suite !"

Elaine et ses élèves retournèrent en classe sans grand enthousiasme. Cette nouvelle les avait effondrés.

"Mes amis, nous regretterons tous le départ de Messire Remiz. Cet homme charmant était d'une extrême gentillesse. La semaine prochaine nous organiserons donc une semaine banalisée en sa mémoire. Je n'ai pas besoin de vous préciser que votre présence sera indispensable.
Je vous signale aussi que Maître Dazibao prendra dorénavant la direction de cette école. Ce qui est rassurant pour l'avenir.
Nous allons reprendre le cours. Messire Remiz n'aurait pas aimé que nous nous arrêtions pour lui."

Elaine n'avait plus envie de sourire mais elle se força.

"Après l'excellente réponse de Dame Opale, voici la 3ème question : pouvez-vous me citer la contrainte matérielle principale des cuisiniers de notre époque ?"

SednaX était pensive. Mais elle entendit tout de même la question du professeur ... Elle tenta de se remémorrer ... Puis elle tenta une réponse, sans aucune conviction ...

"Euh... les fours ? Enfin plutôt la taille qu'ils avaient ?"

"Fort bien, Dame SednaX. Mais pourquoi les fours ?"

Elaine fixa les autres élèves. Certains regardaient en l'air ou bien le bout de leurs chausses pour éviter d'être interrogés, d'autres fronçaient les sourcils pour montrer leur pleine concentration.

Elle regrettait que Maître Dazibao n'ait pu finir de suivre ce cours. Ces nouvelles charges de directeur l'avait conduit directement à la mairie.
Peut-être qu'apès s'être bien organisé, il reviendrait.
Elle gardait précieusement sa cuillère, son écuelle et son couteau flambant neuf qu'il n'avait pas pris dans sa précipitation.

Paysan Nombre de messages : 74 Date d'inscription : 10/09/2006

Opale cherchait...

Quel peut-être le problème avec un four ? se demanda -t-elle .
Elle leva la main et tenta une réponse:
Hum, hum...Heu , c'est peut-être un problème de temps de cuisson ?ou bien de température de cuisson ?

Elle regardait intensément Dame Elaine en espérant avoir donner une bonne réponse.

"Et oui, Dame Opale ! La contrainte matérielle de nos cuisiniers est la chaleur des fours. Celle-ci est différente d'un four à l'autre, tout d'abord par la taille du four, ensuite par la qualité du bois et surtout par les courants d'air qui peuvent la modifier à tout moment.
Aussi les recettes ne peuvent comporter de durée de cuisson.
Mes Dames, je suis fière de vous. Vous êtes la preuve vivante que les Dames sont aussi sinon plus cultivées que nos Seigneurs !"

Elaine se mit à rire. Il lui plaisait de faire entendre à quiconque son combat sur l'égalité des sexes.

"Encore deux questions et j'arrêterai de vous torturer : quel est le caractère commum des cuisines européennes ?"

- Le cratère commun ? répéta de travers Walex.
- Non, le "caractère" ! lui souffla sa voisine d'une forte odeur de salami.
- Ah, oups, pardon... alors c'est le blanc manger ! répondit fièrement Walex.
- Le blanc-manger ? Un caractère ? C'est un plat, ça ! répliqua la même voisine, d'une senteur cette fois-ci plus proche du jambon à l'os.
- Pardon... il faudrait vraiment que j'arrête de répondre de travers (de porc), je vais finir par m'étouffer avec ces odeurs sinon...
- Et pis ?
- Ah oui, je sais ! C'est les Et-pices !

"Très bonne réponse, Messire Walex ! Et oui ! Le caractère commun des cuisines européennes, et non le cratère même si parfois certains plats peuvent être volcaniques, est le goût des épices.
Maintenant la tout dernière question. Qui de ces Dames ou de ces Sieurs trouvera le premier ? Surprise !
Quelle épice domine les recettes françaises ?
Question vraiment très facile. Je suis trop gentille avec vous !"

- Sel ! Le sel, m'dame ! C'est le sel ! répondit-il en toute hâte.

Elaine se mit à rire de l'empressement de Walex.

"Et non, Messire Walex ! Ne vous souvenez-vous donc point de ce que je vous avais dit sur le sel ?"

Walex secoua tristement la tête de gauche à droite.

"Le sel est un cristal et non point une épice.
Allez, un petit effort ! Cherchez au fond de votre mémoire. Je suis sûre que vous savez."

Il faut croire que Walex n'avait pas parfaitement suivi tous les cours de Dame ElainedeTroy. Certainement avait-il été trop occuper à goûter quelques bonnes choses pendant ce laps de temps là...
Walex réfléchit à voix basse, très basse... poivre... moutarde... curry... mais quelle est donc cette épice dont elle parle ?

Paysan Nombre de messages : 74 Date d'inscription : 10/09/2006

Opale réfléchissait à toute vitesse, mais elle ne voyait pas à quoi Dame Elaine faisait référence. Voyons...L'ail, le thym, le laurier ? Non, ça ne devait pas être ça . Le gingembre , peut-être ?

Opale leva la main, sans aucune conviction : Le gingembre ?, confused

proposa t-elle

"Bravo, Dame Opale, bravo !"

Elaine venait de crier sa joie, mais elle baissa vite le ton à la mine déconfite de Walex.

"Excusez-moi, Messire Walex, lui dit-elle toute penaude, je ne voulais pas vous offenser. Vous avez été très brillant aujourd'hui et je suis fière de tous mes élèves."

Elle reprit son cours.

"Voilà pour la fin du questionnaire. J'espère qu'il ne vous a pas trop déplu. La dernière fois, j'avais arrêté mon cours sur les graisses et le Carême."

Elle se tourna vers SednaX.

"Dame SednaX, avez-vous étudié dans votre cours le Carême ? Si tel est le cas, pourriez-vous nous expliquer pourquoi nous n'employons pas de graisse en cuisine pour le Carême ? Et ce que sont les jours gras et les jours maigres ?"

"Hé bien, ce n'est pas un point que nous avons abordé en cours, non, cependant, je puis vous dire que cela n'est pas réellement une pratique courante, en fait ^^'

Pour ceux qui le souhaitent vraiment, le carême représente les 40 jours que Christos aurait passé dans le désert et l'on situe cela peu avant la fête du renouveau.

Donc on parle de jours maigres car l'on n'est pas censé se nourrir de nourriture apportant quelque matière grasse que ce soit, du moins est-ce ainsi que je l'interprête ..."

SednaX regarda Elaine, afin de voir si c'était ce qu'elle attendait comme réponse, mis à part le début Embarassed

Elaine se réjouit de pouvoir fusionner son cours avec celui de la religion.

"C'est exactement cela, Dame SednaX.
Mais si vous le permettez, car je ne voudrais vous supplanter dans vos cours de religion, j'ajouterai quelques détails à votre explication ; je suis trop heureuse que nos cours puissent se rejoindre, et vous confirmer ce que je vous disais le premier jour, l'histoire et l'art culinaire sont intimement liés.

Voici. Historiquement, le nom "carême" provient de la contraction du mot latin quadragesima, qui signifie quarantième.
Il s'agit naturellement d'une référence au jour de Pâques, qui termine le carême.
Bien que l'appellation se soit quelque peu perdue, on appelait aussi le carême la sainte quarantaine.

Comme vous le précisiez précédemment, Dame SednaX, la durée de quarante jours commémore à la fois les quarante années d'errance dans la désert du peuple d'Israël suite à sa fuite d'Égypte et les quarante jours passés dans le désert par Christos entre son baptême et le début de sa vie publique, lors desquels Il fut tenté par Satan, d'après l'Évangile selon Jean.
Il faut d'ailleurs savoir que, les dimanches ne faisant pas partie du carême puisqu'étant le jour du Seigneur, le carême s'étend en réalité sur quarante-six jours.

La pratique du carême remonte aux premiers siècles du christianisme. Il consistait sans doute à l'origine à jeûner pendant les quelques jours qui précédaient Pâques.

Puis, la durée du carême s'étendit et c'est durant le concile de Laodicée (348?- 381 ?) que fut prescrite la xérophagie, c'est-à-dire l'usage exclusif du pain et des fruits secs pendant le temps qui correspondait au carême.
Pas de graisse ou de viande d'où "jours maigres".

Au VIIe siècle, le carême fut établi dans son calendrier actuel. A cette époque, le jeûne consistait à ne prendre qu'un repas quotidien et à s'abstenir de toute nourriture les jours du Vendredi et du Samedi saints.

De plus, les trois dimanches précédant le carême (la Septuagésime, la Sexagésime et la Quinquagésime) étaient eux-mêmes inclus dans la préparation de Pâques.

Cependant, les prescriptions de jeûn se relâchèrent très vite et, dès le XIIIe siècle, le repas de midi était autorisé et complété d'une collation le soir."

Elaine s'arrêta de parler et se tourna vers Sednax.

"Je pense que vous confirmerez mes dires, Dame SednaX"

SednaX sourit et répondit quelque chose qui paru certainement très étrange aux élèves :

"Hé bien, IRL oui, je suis tout-à-fait d'accord avec tout ce que vous venez de décrire, en effet !
Cependant, RP, je ne connais ni le "christianisme", ni le "peuple d'Israël" et encore moins "Pâques" scratch

Mais je ne doute pas qu'après cela, les élèves sachent faire la distinction entre les deux ^^"

Elaine se sentit très gênée par la réponse de SednaX.

"Heu ... bon ... fort bien. Je pense que je vais m'inscrire de suite aux cours de Dame SednaX car j'ai de fortes lacunes en la religion."

Les élèves se mirent à rire.

"Je vais maintenant terminer le chapitre sur la différence de goût entre régions d'Europe par l'acide et le doux.

Les recettes contenant du sucre sont beaucoup moins nombreuses dans les livres français que dans ceux des pays voisins.

Deux explications à cela.

La première : le goût des Français pour la saveur acide et celui de leurs voisins pour la saveur sucrée.
Cela peut s'interpréter en termes moraux. En effet, l'acidité passe pour l'ascétique et la douceur pour voluptueuse et molle.

La deuxième : il ne faut pas oublier que les Français ont d'abord été les habitants de l'Ile-de-France et un peu plus largement du bassin de la Seine.
Donc ces Français avaient l'habitude de boire des vins nettement plus acides que les gens du Midi de la France, les Italiens ou les Catalans.
Quant aux Anglais, leur boisson ordinaire est une ale sans houblon, de fabrication domestique et de saveur douce.

Aussi l'habitude de l'acide ou du doux que procure la boisson dominante peut être le facteur explicatif principal des différences de goût et des différences dans les préparations culinaires des différentes régions d'Europe.

Et voilà ! Je viens de terminer les deux premiers thèmes de mes cours théoriques, à savoir :

- la littérature culinaire aux XIVème et XVème siècle
- les goûts et les pratiques régionales en Europe.

La prochaine fois, nous verrons la diététique dont le vulgaire et le distingué.

Mais je ne vais pas vous laissez partir sans vous donner la fameuse recette du "blanc-manger" que vous attendez certainement tous."

Les élèves se mirent à faire un grand "AH" de contentement, et si certains s'étaient un peu endormis, ils ouvrirent à nouveau grand leurs yeux.

"Par contre, je ne vous en ai point apporté comme la dernière fois pour le gingembre confit."

Il y eu un grand "OH" de déception. Elaine se mit à rire.

"Je vous avais annoncé un changement dans le déroulement de mes cours. Vous avez pu remarquer que je vous ai installés dans une belle cuisine. Et bien, avec la recette que je vais vous donner, vous allez confectionner tous ensemble ce plat."

Devant la stupeur des élèves et l'affolement de certains, elle s'empressa d'ajouter.

"Mais ne vous inquiétez point. Je serai là pour vous conseiller."

BLANC-MANGER

Si tu veux faire du blanc-manger, cuis des poules avec de la viande salée. Et broie des amandes pelées er delaie avec le bouillon des poules. Ensuite aie du riz trempé dans l'eau chaude et broie bien et fortement. Et délaie le lait d'amande et passe-le dans une marmite. Et si tu mets une livre d'amande, mets une once de riz. Ensuite prends les poitrines des poules, et broie-les, et délaie avec ledit lait. Et fais tout bouillir ensemble.Et fais en sorte que ça ne brûle pas. Et mets du sucre et du sel et, quand tu serviras, tu mettras dessus des amandes cuites dans la poêle, ou des verjus, ou de grains de grenade.

Salle de l'Art culinaire - Page 3 Blanc_10

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